samedi 17 octobre 2009

Indice de remaniement


Des indices qu’un remaniement gouvernemental se profile à l’horizon existent et tout indique que le Président de la République veut aller vite. D’abord, la ville s’est soudain remplie de la rumeur et ce n’est jamais totalement innocent. Ensuite, c’est certain, le président reçoit la classe politique et des personnes ressources pour un « « large tour d’horizon » de la situation nationale. Enfin, c’est lors de la réception d’un bâtiment du Centre de Maintien de la Paix Alioune Blondin Beye, le week-end que le Chef de l’Etat s’est prononcé sur les vertus du consensus politique dans des termes qui ne laissent aucun doute sur le schéma envisagé par ATT pour la fin de son mandat. Entré par le consensus qui, avertit-il, est loin de signifier unanimisme, le président aimerait sortir par le consensus, pressent-on dans son adresse du weekend. Consensus pour quoi ? Les temps sont durs et les ressources hélas ne sont pas élastiques. Les revendications catégorielles vont monter. La convivialité qui nous caractérise peut s’en trouver menacée alors qu’ATT, rien qu’avec les engagements et les chantiers du président sont importants. Le cinquantenaire de l’indépendance nationale est certes un moment de communion, mais il ne suffit pas et ne connaîtra d’apothéose que si nous le préparons et le célébrons ensemble, pas les uns contre les autres. Donc l’objet est clair : réduire autant que possible les divisions et les sources de divergences entre les acteurs. Consensus avec qui ? La majorité présidentielle bien sûr, mais aussi l’opposition si elle est partante. C’était ainsi au commencement. Ce pourrait être ainsi à l’arrivée. Mais le consensus, si utile qu’il soit, suffirait t-il pour accompagner le président à la fois pour boucler de façon magistrale son mandat et baliser 2012 ? Non, l’exigence de résultats devient de plus en plus pressante. La propagande montre ses limites et agace une nation en pénurie de tout. La qualité de l’attelage que le président lui proposera est donc capitale et le défi sera là plutôt que dans l’adhésion des Maliens et des acteurs concernés au très probable projet de consensus. La question posée est donc celle des critères de choix des hommes et des femmes pressentis dans un des touts derniers gouvernements avant la prochaine présidentielle.
Adam Thiam

De quoi je me mêle : Dadiscalement vôtre

Jadis, c’est nous qui étions écoutés et c’est à peine si les grandes oreilles à l’autre bout du fil ne nous disaient pas d’être brefs dans nos conversations parce qu’elles ont d’autres chats à fouetter. Grâce à la révolution technologique cependant, j’ai pu glisser une pastille dans les bureaux de deux grands démocrates du continent. Bien sûr, toute ressemblance avec des faits et des personnages connus est fortuite. La transcription de l’écoute donne à peu près ceci :
- Tu me crées des ennuis, fiston, on m’avait oublié mais voilà qu’à cause de toi, la Cedeao convoque une réunion contre nos deux pays. Moi, je n’ai pas tué, je n’ai pas violé…
- Moi, non plus. Je n’étais même pas au stade.
- C’est aux juges de la CPI qu’il va falloir le dire, fiston, tu joues avec le feu.
- Non, c’est plutôt l’ opposition qui joue avec le feu car le feu, c’est mon armée qui l’a.
- Mais, tu as déjà dit que tu ne tenais pas l’armée. Voilà ton problème fiston. Pour la communauté internationale, si tu ne tiens pas l’armée, tu t’en vas. En plus, aller le reconnaître sur Rfi, cette boîte à intox. Tu vois moi ce que j’ai fait à cette station ? Emetteurs coupés, correspondants en prison…
- Vous avez l’uranium vous. Et nous, on vient juste de le découvrir, mais c’est le gisement le plus important au monde. Mon pays, vous savez, est un scandale géologique.
- Pour l’instant, malheureusement, votre scandale à vous n’est pas géologique.
- Papa, sauvez-moi. Je suis votre fils.
- Ah non, ton papa c’est l’autre, tu l’as dit toi-même.
- Il ne prend même plus mes appels. On m’avait, pourtant, prévenu contre les présidents civils.
- Ah lui, c’est autre chose. Mais je t’ai appelé pour te demander d’arrêter de comparer ta situation à la mienne. Tu empêches la communauté internationale de m’oublier et ça ce n’est pas gentil.
- Mais c’est la vérité. Chez toi c’est pire. Moi je n’ai pas dissous le parlement, il était périmé. Je n’ai pas dissous la cour constitutionnelle. Je suis même contre la présidence à vie.
- Cherche à te faire élire d’abord et à échapper à la justice internationale, c’est le conseil que je te donne, en tant qu’aîné !
- Quel aîné ? Nous sommes homologues et mon pays est fier. J’ai la probité morale, l’intégrité, le patriotisme, l’humanisme, la considération et le respect de mon peuple. Et ne vous avisez plus jamais de m’appeler.
- Je me plaindrais auprès du facilitateur…
- Lui ? Allez-y. Mon pays est souverain. Et si je suis poli, j’ai une grande culture politique. Je sais qui est qui, qui a fait quoi, et quand.
Adam Thiam

Coup de grâce

Reste t-il à notre démocratie encore un peu d’honneur ? Si oui, ce n’est pas grâce au parlement dont des honorables élus, comme viennent d’en faire état nos confrères de l’Aurore et du 22 septembre, ont cherché le week-end, à régler leurs différends à l’arme automatique et au jet de babouches. Sans parler de tous les noms d’oiseaux débités et entendus. Peu importe l’affiliation de ces députés : ils souillent globalement la démocratie à laquelle ils doivent leur titre. C’est le Mali qu’ils humilient. Et ils installent un précédent fâcheux : la menace d’exécution extra judiciaire portée contre par ceux qui sont élus pour faire nos lois et les faire respecter. Des sanctions tomberont-elles ? Improbable. Ici comme dans d’autres cas, la palabre africaine dédramatisera l’affaire. Celle-ci est pourtant très grave et elle est d’autant plus grave qu’elle naît d’une guerre abjecte pour des postes au sein de l’imminent Bureau de l’Assemblée nationale. Les valeurs se délitent et le drame se constate dans tous les segments de la nation. Nous ne le savons que trop et il ne faut pas mettre à l’index le seul parlement. Surtout qu’il reste à notre pays donner à cette institution le rang et le rôle dont elle a besoin pour être le moteur d’une démocratie solide reposant sur des animateurs qui ne sont pas là par hasard, par défaut, par népotisme ou par clientélisme. Le parlement devrait être au Mali démocratique ce qu’est la sève à l’arbre. Or, on en fait son boulet. Pire, dans la foulée de la triste mésaventure du code qui est, en vérité, l’histoire de plusieurs ruptures, le coup des députés flingueurs signifie qu’un autre point d’achèvement sur le point d’être atteint : la liquidation totale du projet démocratique. Question donc : les martyrs sont ceux qui ont été flingués en mars 1991 ? Et réponse : non, ceux plutôt que le sort oblige aujourd’hui à témoigner de faits qui n’auraient jamais dû être.
Adam Thiam

Bongo validé, Obame retrogradé


Voilà qui ne va pas inciter Mba Obame à mettre fin à la grève de la faim qu’il s’est imposée en anticipant que la Cour constitutionnelle allait valider la victoire contestée de son frère ennemi : non seulement, il avait vu juste car Ali Bongo est déclaré premier, mais lui Obame n’avait pas du prévoir qu’il serait classé dernier et que Manboundou passerait devant lui. Les juges constitutionnels en Afrique n’ont pas leur pareil pour rabattre le caquet aux opposants ! Celui qui pressentait donc que la tour de Pise ne penchera jamais d’un autre côté peut au moins se féliciter pour son sens de la formule. Ceci dit, il faudra reconnaître que, contrairement à la stratégie des investitures précipitées, à la Kibaki ou à la Mugabe, comme pour couper l’herbe sous le pied des contestataires, le Gabon aura eu la sagesse d’attendre le verdict final avant le sacre qui pourrait intervenir le weekend. Joyandet, encore lui, montre même un peu d’empressement à voir le fils Bongo prendre le gouvernail pour montrer qu’il était bien le candidat de ‘’la rupture’’. Avant une telle démonstration qui est dans l’ordre du plausible, parce qu’après tout, au fils, ce sera difficile de faire « moins rupture » que le père. Mais l’enjeu immédiat pour le nouveau président ne sera pas de faire de son pays le Koweit africain. Ce sera plutôt de s’assurer que la fumée des pneus enflammés ne brouillera pas les images de l’investiture sur les écrans géants, à condition qu’on les mette ceux-ci, que les détonations des grenades lacrymogènes ne couvriront pas sa voix lorsqu’il donnera une allocution qui sera, sans doute, de rassemblement et d’invitation au travail. Les mêmes qui ont cours dans les cinquante Afriques, dès que candidats et électeurs ayant fini de régler leurs contentieux, réalisent soudain la vanité de la machette et les avantages du gouvernement d’ouverture. Ouvert aussi à Obame si une médiation internationale obtient de lui d’arrêter de faire le difficile et de passer à la soupe.
Adam Thiam

L’impondérable libyen


Le Mali n’a pas de frontière avec la Libye mais vis-à-vis de ce pays et ce depuis deux décennies, nous avons la diplomatie de l’attention maximale et de la prévenance totale. Nos autorités successives ont, d’ailleurs, été souvent prises à partie pour cette approche qui est celle des pétrodollars, pour les plus critiques d’entre nous. Or, des rapports de qualité sont un impératif géostratégique avec la Libye. Ce pays fut l’épicentre de nos rébellions récentes. Et encore aujourd’hui, plusieurs milliers de jeunes Ishoumars y vivraient, formés aux métiers des armes et prêts à être les chairs à canon de ‘’ l’irrédentisme touareg’’. Enfin, la Libye a décidé d’investir en Afrique et nous faisons partie des pays choisis, même si cela n’est pas du goût de tout le monde. La carte libyenne ne peut donc être celle de la capitulation, mais celle de la coopération. Il reste que nombre de nos compatriotes n’y voient pas un partenariat gagnant-gagnant. Ont-ils tort ? Khadafi vient jusqu’à Tombouctou nous faire prier, y financer un canal, investir dans l’Office du Niger, acheter et construire des hôtels mais il n’hésite pas à expulser les Maliens de son pays. Lui ne dit rien, n’exprime aucun remords, surtout qu’il est le président de l’Union africaine, un défenseur de l’intégration africaine. Aux yeux des Maliens, en agissant ainsi, il paraît simplement jouer aux garde-côtes de l’Union pour la Méditerranée qu’il n’arrête pourtant pas de pourfendre. Nous aurions souhaité que Khadafi joigne l’acte à la parole, que tout Malien se sente en Libye chez lui, qu’il soit Touareg, Arabe, Senoufo ou Peul. Sa pratique, jusque-là ne le prouve pas et il est évident que le Guide ne peut pas être populaire chez nous tant qu’il ne solde pas définitivement ce compte. Mais, les autorités maliennes ne peuvent pas, non plus, se complaire dans le silence. Celui-ci donne l’impression que les Maliens expulsés de la Libye veulent élire domicile dans ce pays. Or, ils n’y sont généralement qu’en transit et seront donc fatalement exposés aux mesures euro-méditerranéennes sur l’immigration. Cela doit être expliqué et entendu. Hélas, il ne justifie pas que nos compatriotes soient torturés ou meurent dans les geôles qui sont tout, pour l’instant, sauf celles des Etats-unis d’Afrique.
Adam Thiam

Dadis lâché par le monde entier


Dadis serait-il dans ses derniers retranchements ? Les Forces Vives veulent sa tête. L’Elysée le désavoue. L’Union africaine lui donne un délai pour quitter le pouvoir. Le groupe de Contact international sur la Guinée n’a pas de mots assez durs pour l’homme. La Cedeao déclare qu’il est disqualifié. La Maison Blanche le qualifie de boucher. Jacques Vergès qui a souvent été du côté des bourreaux plaiderait volontiers contre lui. Les Nations-Unies sont tentées de lui envoyer des enquêteurs indépendants. Et, pour boucler la boucler la boucle, l’Union Européenne exige qu’il soit jugé pour crimes contre l’humanité. Tout ça fait beaucoup et techniquement, c’est difficile d’imaginer comment l ancien homme fort de Conakry desserrera l’étau dans lequel il est pris ces jours-ci pendant que l’unité du Cndd et du gouvernement a, elle aussi, dû accuser un coup sérieux. Si le calme, assure t-on, est revenu au Camp Alpha Yaya, ce siège de la junte subira pour quelque temps encore le syndrome du 28 septembre. Côté gouvernement, la démission du ministre Sanou ouvre la voie tandis que les déclarations du Premier ministre Komara, si humbles et courageuses qu’elles soient, pourraient simplement être trop peu et trop tard. Dans le trauma actuel du pays et face à l’indignation de la Communauté internationale, l’on voit mal les élections se tenir en janvier comme prévu. En tout cas se tenir avec Dadis comme candidat ou garant. Une autre inconnue de l’équation guinéenne ? On ne le dit pas tout haut en général, mais tout le monde se demande comment le président Compaoré pourrait mener à bien la mission de facilitation que la Cedeao lui a confiée. L’habile médiateur et leader avisé ne peut pas ne pas décoder les messages que représentent pour lui le communiqué de l’organisation sous-régionale ainsi que la décision de convoquer une rencontre au sommet de ses Etats membres samedi. En termes plus courants, il se peut qu’il ait compris que ce qui est attendu de lui, c’est de rappliquer à Abuja avec la tête de Dadis. Le fougueux capitaine n’a plus ses muscles d’antan, mais il pourrait avoir l’énergie du désespoir.
Adam Thiam

Accusé Modibo Sidibé, levez-vous !


Dans la dimension et la visibilité qui lui ont été données, la visite du Premier ministre aux services dits de l’assiette est bien un précédent. Habituellement, une convocation par le Chef de l’Administration des responsables de ces services ainsi que de leurs ministres suffit. Or ce chef n’est autre que le Premier ministre. D’où les commentaires suscités par cette visite et venant de trois catégories d’acteurs : les plus conservateurs, les plus pessimistes et les plus animistes d’entre nous. Les conservateurs voient dans l’exercice griffé Modibo Sidibé, une banalisation de son statut de Chef de gouvernement parce que «la montagne ne va pas vers ses obligés, c’est plutôt l’inverse qui sied». Ce procès passe par pertes et profits et la démarche d’humilité et celle de pédagogie qui la sous-tendent pourtant, mais tant pis, la culture du tout à l’égout ne fait pas de quartier. Les pessimistes appréhendaient les effets boomerang de cette tournée par ces temps dits de grisaille qui n’en finissent pas, mois après mois, d’aligner avis de tempêtes et cessations de paiement. Tout l’exercice courait donc le risque d’être contre-productif. L’animisme qui propose une âme et une finalité à tout croit également avoir compris le manège car, si en dépit de la mauvaise météo, le flegmatique officier s’est risqué dehors sans gyrophare ni parapluie, c’est qu’il avait des cartes en main. C’était quoi ces cartes ? Une situation, certes pas rose, mais en nette amélioration, avec chiffres et encouragements à l’appui. D’ailleurs, Il n’eut pas le propos triomphaliste mais Modibo Sidibé fit savoir que les lignes bougent dans le bon sens, depuis juin 2008 et juin 2009 où son patron en parla publiquement et depuis l’interpellation, il y a quelques mois, du ministre des finances sur la tension de trésorerie qui frappe le pays. Il veut donc prouver qu’il a des résultats et cette pression du bilan s’expliquerait par le fait que le Premier ministre est sur un poste éjectable en ce moment où tous les signaux annoncent un profond remaniement gouvernemental. Or s’il partait maintenant, le «dauphin» présumé ne pourrait être qu’un ex futur. Méchantes conjectures dans une conjoncture qui n’est pas plus gentille. Mais c’et incontestable : l’exercice du Premier ministre avait une dimension de com qui est de nous convaincre que le pays n’est ni arrêté ni morose et que malgré les écueils du parcours, le Mali émergent reste son cap et son contrat avec son patron. Est-il entendu ? Pas partout et pas totalement. Car pendant que Modibo Sidibé relativisait, un mauvais pingpong continuait. D’abord entre la BHM et son très teigneux client Waic, cette fois-ci défendu par pas moins que l’Ambassadeur d’Allemagne. Pourtant, les autorités de cette Banque, lorsqu’elles sont approchées, assurent qu’il n’y a aucune trace du paiement des 18 millions d’Euro qui ont justifié la sortie très peu ordinaire du diplomate allemand. La clarté et toute la clarté sur cette affaire ne peut être qu’un plus car elle «communique» sur le pays autant que Sidibé aux impôts, à la douane ou au Trésor. Même chose ensuite pour le feuilleton pro et anti Amadou Abdoulaye Diallo qui aurait prêté à rire s’il n’était pas simplement humiliant pour une République et s’il n’avait pour enjeu le bien-être des Maliens. Un coup, le ministre est bien parce qu’il a eu le courage de démanteler cette sorte de franc-maçonnerie des exos, ce qui aurait provoqué la baisse notable du prix du sucre que même le président de l’Assemblée nationale a saluée à cette rentrée parlementaire. Un coup, il est pourri car le prix des denrées de base, notamment du sucre a été particulièrement inclément ce mois de ramadan, en dépit du show télévisé des mêmes dignitaires des subventions publiques. Or, au-delà de ses membres, c’est tout le gouvernement que cette affaire expose. La pratique monopole de fait, une hérésie en économie de marché remonte à bien avant l’arrivée du ministre Diallo. Or, c’est clair non seulement qu’en économie de marché, c’est une hérésie mais que la franc-maçonnerie des exos n’a pas toujours honoré ses engagements. L’affaire, par ses dérapages pourrait laisser la triste impression que nos gouvernants n’ont pour nous que de la fausse compassion. Cette guerre doit cesser car elle relève du mépris à l’égard d’une nation qui ne doit rien à aucun homme d’affaire, si puissant soit-il et quels que valent ses protections, les sauf-conduits dont il se prévaut et les passe-droits qui lui sont accordés. Et puis, les résultats d’un gouvernement sont des résultats d’ensemble ou alors ce n’est pas un gouvernement. Ce ne sont là ni des propos de conservateur, de pessimiste, ou d’animiste mais d’une quatrième couche de citoyens omise plus haut : ceux qui réclament autant la visibilité que la lisibilité. Donc le plus difficile.
Par Adam Thiam