jeudi 15 octobre 2009

"Toi aussi, Dadis ?"


Les mois qui suivirent le 23 décembre dernier, avec beaucoup d’autres africains qui en voulaient pour leur continent longtemps humilié, nous avions salué ce que nous percevions comme le point de départ d’une gouvernance de changement en Guinée. Le Capitaine Moussa Dadis Camara, chef de la junte de Conakry, avait alors, aligné les innovations : démocratie directe ici pour parler de la gestion opaque du secteur minier, audition télévisée par là des suspects du narcotrafic, pardon humblement demandé pour tous les charniers de la Guinée sanguinolente, langage d’humilité aux accents de sincérité. Des gens plus avisés avaient appelé pourtant à la prudence.

Selon eux, le nouvel homme fort de Guinée ne pouvait être l’officier immaculé et débonnaire qu’il prétendait. Mais nous avions délibérément omis les précautions d’usage pour nous empresser de saluer la jeune équipe de Conakry. Car il pouvait être important, sur le moment, d’encourager Moussa Dadis. Nous avions aussi déploré et dénoncé que la communauté internationale utilise deux poids deux mesures dans sa politique africaine. Et nous maintenons encore qu’il est malsain d’être complaisant envers certains pays et impitoyable envers d’autres. Nous ne pensions pas que ce qui se passait à Conakry, à savoir la candidature plausible de Dadis était moins grave que ce qui s’est passé hier à Nouakchott et Niamey Mais depuis hier, la junte guinéenne a franchi les frontières de l’inhumanité et versé dans une bestialité qui nous ramène aux heures atroces de la guerre civile sierra léonaise et libérienne. Et les propos du Capitaine Dadis, loin de convaincre, écoeurent.

Les arguments du genre « les manifestants avaient volé des armes dans les commissariats, ou il y a eu bousculade, ou encore " je n’étais pas sur les lieux et l’armée n’est pas contrôlable " sont d’une coupable vulnérabilité. Près de deux cent morts, des femmes violées et violentées, comme punition d’un ordre transgressé n’est pas digne du 21è siècle. Ce n’est pas digne de l’Afrique. Ce n’est pas digne de la Guinée. Et les mesures traditionnelles de suspension de la coopération, les sanctions ciblées contre les membres du CNDD ne suffiront pas. Les cruautés en cours en Guinée exigent une ferme mesure d’ingérence humanitaire, une commission d’enquête indépendante et des poursuites judiciaires contre tous les criminels impliqués dans les massacres. Nous avons souvent honte pour l’Afrique mais aujourd’hui, du fait de Dadis, ce capitaine que nous avons adulé, nous avons encore plus honte. Pire, nous nous sentons profondément humiliés.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire